DES BULLES DE BONHEUR

Une bien jolie maison, chic, élégante et raffinée, très 19e, ouvre ses portes, ses caves, son jardin, son Centre d’Art Contemporain et son théâtre à l’occasion des 70 ans du Festival de théâtre d’Anjou. Une sérieuse histoire d’amour qui perdure depuis 35 ans entre Saumur et Angers.
En 2021, Bouvet-Ladubay et ses inimitables trésors de bulles de Loire, affichera 160 ans à la même adresse. Nous voulons comprendre comment et pourquoi cela fonctionne. Rien de mieux que d’aller fureter, regarder, tester, lire et interviewer qui de droit comme un duo père et fille, qui, bien avant la mode des tendances a parié sur l’art de recevoir.
Patrice Monmousseau, 59 ans de maison et Président. Juliette Monmousseau, 12 ans de maison et Directeur Général et quatrième génération.

Catherine Taralon : Comment Bouvet-Ladubay est-il devenu l’un des partenaires du Festival d’Anjou ?
Patrice Monmousseau : En 1985, Jean-Claude Brialy, nouveau directeur artistique du Festival, cherchait à développer le sponsoring d’entreprises locales. Des liens d’amitié se sont créés, de sorte qu’en 1991, quand on a pu récupérer l’ancienne mairie de Saint-Hilaire-Saint Florent (qui était l’usine électrique de Bouvet-Ladubay avant 1930), nous avons créé le Centre d’Art Contemporain et rénové le théâtre. Naturellement, Jean-Claude Brialy est devenu le parrain et Brigitte Fossey la marraine de ce lieu de spectacle. À partir de là, toute notre manière de communiquer sur l’art de vivre, l’art du vin, l’art tout court, sous toutes ses formes, peinture, sculpture, musique, théâtre, littérature n’a cessé d’être l’une de nos priorités. Rien n’est plus indispensable à la finesse des bulles que l’art et les artistes. Je l’ai dit à l’occasion des 10 ans du Centre d’Art. Et plus le temps passe, plus je vérifie cette évidence. Chaque année, nous peaufinons notre implication dans le Festival d’Anjou. Définitivement, c’est au contact de tous ces talents, que nous façonnons chaque année cuvée après cuvée, la finesse de nos bulles.

Juliette Monmousseau : Avec ma sœur Marie, nous avions une dizaine d’années et déjà des souvenirs de théâtre en plein air au Château du Plessis-Macé. C’était vraiment magique ! Et cela le reste.

CT :
Pouvez-vous me citer les évènements art de vivre où vous êtes partenaires ?
JM :
À l’aube de la loi Evin, Patrice Monmousseau qui était passionné des sports mécaniques (nous avons participé aux 24 h du Mans durant 7 ans), modifie les actions de promotion vers les arts.
Le Théâtre à travers le Festival d’Anjou et le petit théâtre Bouvet-Ladubay. Puis le cinéma à travers le Festival Premiers Plans d’Angers, dès 1989. Ensuite les arts équestres si prisés à Saumur, ville référencée comme capitale du Cheval. Enfin avec l’art contemporain et la création du Centre d’Art Contemporain en 1991. Associer le vin et l’art semble évident de nos jours, mais ceci fut initié il y a trente ans. À l’époque il fallait avoir une vision.

CT : Parmi tous les artistes qui ont été exposés au Centre d’Art Contemporain, pouvez-vous nous confier cinq favoris ?
PM : Paul Jenkins, Jean Cortot, Erro, Peter Klasen, Jacques Villeglé et Christian Renonciat.
JM : Les mêmes. J’avais 14 ans quand le Centre d’Art Contemporain fut inauguré par Gonzague Saint-Bris. Quelle chance d’avoir grandi avec la possibilité de découvrir tant d’artistes.

CT : Est-ce que l’élaboration des cuvées Bouvet se réalisent en duo ?
JM En quatuor, avec Grégory directeur de la production, et Vincent maître de chai. Patrice restant le chef d’orchestre. Mais nous ressentons le besoin d’être tous en accord. Sinon, on recommence. Mais cela n’arrive presque jamais !

CT : Merci de m’expliquer comment on arrive chaque année à sortir des bulles d’excellence qui semblent être toujours aussi parfaites ?

JM :
Nous travaillons avec les mêmes vignerons depuis plusieurs générations. Nous n’avons pas de vignes. Notre travail d’élaborateur commence à la réception des moûts qui fermenteront dans nos caves et deviendront « vins de base » pour nos assemblages. Cette mosaïque de vins va de la Touraine aux confins de l’Anjou, du sud de Saumur jusqu’aux Deux-Sèvres. Nous savons ce que nous voulons trouver. Nos dégustations sont silencieuses. Nous devons nous projeter dans le temps.

CT :
Ce savoir-faire est votre signature ?
PM :
Notre métier est un métier d’assemblage, et comme la peinture ou plutôt la cuisine, il y a un style et un goût. Je dirais que c’est génétique. Donc je suis rassuré sur la suite des évènements. Il ne suffit pas de faire de bons assemblages. Derrière il faut une technique et un équipement de premier ordre pour qu’ils puissent s’exprimer. Pour ma part, j’ai commencé les assemblages en 1970. Le style maison ne s’acquiert et se confirme que par habitude. Notre politique est « blanc de blanc » Chenin et Chardonnay. Le cabernet pour le rosé.

CT :
Vos priorités, votre ligne de conduite dans cette maison familiale ?
JM : Je veux mettre en valeur et protéger la maison, avec beaucoup de respect pour le parcours de ma famille et de mon père Patrice. Un moment passé chez nous doit permettre de faire l’expérience de toutes ses dimensions autour d’un verre, d’un passage en cave à la bougie, d’une découverte d’exposition, d’une pause dans le jardin, ou au théâtre. Tout doit concourir à comprendre ce que nos bruts de Loire ont d’histoire, de patrimoine et de vivant.
Continuer pour pouvoir faire vivre l’expérience de notre maison au plus grand nombre d’amoureux d’un certain art de vivre, voici notre mission. Le temps du vin nous remet aussi en perspective. Imaginez, les chênes dont on fait les barriques ont 150 ans, certaines vignes sont centenaires sur Saumur et notre maison aura 160 ans en 2021, les caves plusieurs siècles, la commune date du 11
e, et le tuffeau quant à lui affiche des centaines de millions d’années. Joli cocktail, non ?

CT : Ce que représente pour vous l’art contemporain ?
JM : Une proposition, une vision, parfois une évidence, un choc agréable ou non, une question, ne pas rester dans l’indifférence.

TEXTE: CATHERINE TARALON
PHOTOS:MARC BROUSSARD
Toile de Paul Jenkins New Yorkais exposé en 1995. Il avait aussi une maison à Saint-Paul-de-Vence. Un des favoris de P. Monmousseau pour sa peinture et sa gentillesse. C’était un maître de l’abstraction lyrique.
Le petit théâtre de Bouvet-Ladubay. Sur la scène : Lorànt Deutsch « Romanesque ».
Cuvées crées et habillées spécialement pour les 70 ans du Festival d’Anjou
Loire Vallee Magazine